Le Chant des Souliers rouges, vol.1 – Trouver sa passion

« De toute façon je n’ai pas l’intention de
fréquenter les autres élèves… ça m’évitera
de les détester et de me décevoir moi-même ! »
Kimitaka

Paru ce mois-ci, le premier tome (sur six) du Chant des Souliers rouges de Mizu Sahara aborde la question de l’adolescence sous l’angle du rêve, de la passion qui anime les jeunes. Que deviennent-ils lorsqu’ils doivent renoncer à ce qui les fait vibrer ? Est-il alors aisé de se (re)construire ? Peut-on y parvenir seul ? Ouvrons ce premier volume et écoutons la mélodie proposée.

Le Chant des Souliers rouges vol1

Quand la passion ne suffit pas

L’adolescence n’est pas toujours le plus bel âge de la vie. En proie à des changements, des questionnements, des doutes, les jeunes filles et garçons se trouvent parfois en perte de repères. Se confronter à la réalité, au regard des autres, voilà des épreuves loin d’être évidentes – et qui peuvent le demeurer par la suite. Surtout lorsque l’on est moins bon, « différent » des autres ou perçus comme tels. Et lorsque cela touche un sujet qui nous passionne alors les conséquences sont lourdes : la confiance en soi disparaît, les nuages s’accumulent au-dessus de notre tête.

Le Chant des Souliers rouges nous propose d’assister à la rencontre de deux personnages blessés par les autres. Parce que trop petit (même si ce critère n’a rien de définitif) et pas assez bon au basket – contrairement à ce qu’il pensait – Kimitaka a laissé tomber cette activité qu’il adorait après avoir commis une faute vis-à-vis d’un coéquipier. Parce que trop grande et pas à l’aise pour danser, Takara a subi des moqueries, a été aussi rejetée par les autres. Le flamenco ce ne sera pas pour elle.

Kimitaka croise Takara sur le toit du collège alors que chacun s’apprête à lancer sa paire de chaussures, symbole de leur mal-être. Geste identique qui équivaut à signer la mort de leur rêve respectif. Après quelques échanges verbaux, un échange à lieu : souliers contre baskets. Est en germe, outre un souvenir, une transmission de leur passion, comme si chacun reprenait le rêve de l’autre pour le vivre – même s’il faudra le temps pour que cela infuse. On va ainsi voir comment les baskets de Kimitaka deviennent un porte-bonheur tandis que le fait pour le garçon de chausser les souliers rouges de Takara est un premier signe de changement.

Réveil Kimitaka
Réveil de Kimitaka

Une rencontre pour avancer

Un signe qui mettra deux ans à se concrétiser. Car après leur rencontre les deux personnages ne se croisent plus. Chacun va dans un lycée différent. Kimitaka ne joue plus au basket, ne parle à personne et passe ses journées seul quand son grand-père n’est pas dans les parages. Il  retrouvera Takara par hasard alors qu’elle dispute un match de basket. Même si ce passage n’occupe pas des pages et des pages – le volume étant organisé autour de Kimitaka – c’est lui qui fait office d’élément déclencheur, qui doit permettre au garçon de rompre (définitivement ?) avec cet état de dépression. Là où la jeune fille a avancé lui a stagné. Lève-toi et marche !

Loin de développements fades et éculés, le manga nous montre comment Kimitaka essaye de renouer des liens. Au lycée d’abord avec deux individus qui eux aussi ont été mis sur la touche, parce que trop rond (Tsubura), parce que sa voix à muer (Hana). Taille, masse, voix : un trio d’éléments central à l’adolescence. Avec sa famille ensuite notamment dans sa relation à sa petite sœur car sa dépression les a éloignés. Avec lui-même enfin lorsqu’il décide de se lancer dans le flamenco (alors qu’il n’y connaît rien – on voit ainsi l’inversion qui se produit par rapport au basket).

Mizu Sahara développe alors tout un environnement qui permet, ponctuellement, d’aborder différents thèmes comme la vie en famille (et tous ces petits « trucs » et mots qui comptent), les relations avec le troisième âge, la vie scolaire et son lot de brimades, les interactions dans la rue… Des touches d’humour ponctuent certains moments, qu’elles renvoient aux prénotions de Kimitaka par rapport au flamenco ou à l’attitude de sa mère quand il rentre le soir et qu’elle veut savoir ce que ses copains ont pensé de son œuf au plat.

Souliers rouges
Les souliers rouges sont à ses pieds !

En scène !

La jaquette comme les premières pages (en couleurs) attirent l’attention par la composition des couleurs (l’impression de se trouver face à de la peinture), la posture des personnages. J’ai beaucoup apprécié le sommaire à ce titre, où l’on voit Namari, la petite sœur de Kimitaka. Le trait de l’auteure joue plus sur une certaine rondeur, sensibilité, les personnages ne sont pas taillés au pic à glace et Mizu Sahara n’en fait pas des canons de beauté extérieur mais plutôt des personnages comme tout le monde dont les facettes sont à découvrir au fil des pages.

Parmi tous les passages qui interpellent, ceux traitant du passé de Kimitaka et de sa dépression sont marquants. Avec peu de mots, par la mise en scène des personnages, la mangaka parvient à nous faire ressentir la peine qui le traverse lui et ses proches (notamment Namari). L’accent placé sur son isolement (il reste dans sa chambre), sa position (dans son lit, replié, ses draps instaurant une barrière avec les autres en plus de le masquer), tout cela concourt à rendre ces passages marquants, même si vous en trouverez beaucoup d’autres !

Du côté de l’édition française, Kazé Manga nous propose un volume sur lequel il n’y a pas de reproches à faire. L’impression est bonne, les pages couleurs du départ sont un plus appréciable tout comme les dessins de l’auteure en postface. On notera une traduction à quatre mains, assurée par Géraldine Oudin et Raphaëlle Lavielle tout à fait satisfaisante.

Takara
Takara a la gonfle et…

« J’ai enfin trouvé un truc que je voudrais faire ! »

Il y a certaines rencontres qui nous marquent durablement. Pas forcément sur le moment, parfois il faut qu’un peu de temps passe. C’est ce qui arrive à Kimitaka. Voyant Takara se donner à fond au basket, il va se mettre en mouvement et se lancer dans le flamenco même s’il n’a aucune garantie que la discipline lui plaira. Si pour l’instant il occupe l’essentiel de l’intrigue, on espère que la suite permettra aussi d’accorder de la place à Takara tout comme aux autres personnages. Abandonner ce que l’on aime, s’isoler, rebondir, voici les premières notes que dessinent le Chant des Souliers rouges au fil d’un premier volume à découvrir.

 

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Publié par

Anvil

Lecteur de manga, manhua, manhwa... visionneur d'animés, films... et de plein d'autres "trucs" car ma curiosité n'a (presque) pas de limites. Je suis touche-à-tout sans être bon à rien. Les avis présents ici n'ont, par conséquent, aucune prétention si ce n'est celle d'offrir un point de vue sur une œuvre qui m'a interpellé. Vous pouvez me retrouver sur Twitter : @Anvil_G ; sur Sens Critique : Anvil et ailleurs... See you Space Cowboy!

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