To the Abandoned Sacred Beasts, vol.1-2 – Lord of the Beasts

« Comment aurais-je dû… vivre ?
Aurait-il mieux valu… que je ne
revienne pas vivant ? »
Danny

Les lendemains d’une guerre ne sont pas forcément des jours heureux comme l’histoire, la littérature, le cinéma… peuvent nous l’enseigner. Ces périodes mouvementées se retrouvent dans To the Abandoned Sacred Beasts, où les héros d’hier sont devenus les cibles d’aujourd’hui.

T 1 et 2
Charlotte et Hank inaugurent les deux premiers volumes

Aux grands soldats la patrie reconnaissante

La tentation d’augmenter les hommes fait partie de ces envies récurrentes, quand bien même elle n’est pas sans risque pour les personnes augmentées. Dans To the Abandoned Sacred Beasts, l’augmentation est liée à la magie, pas à la science. Pour gagner la guerre contre le Sud, le Nord a produit des « bêtes divines » (sacred beasts) regroupées en une unité de super-soldats qui ont inversé le cours du conflit. Les dieux sont parmi nous. Mais avec le temps (cinq ans) les acclamations se font plus rares et les héros sont craints. Parce que les êtres divins massacrent ceux que la guerre a épargné. Leur existence est une menace, ils doivent être éradiqués. Parmi les victimes de cette purge, le père de l’héroïne, ancien super-soldat à forme de dragon. Depuis Nancy Charlotte Bancroft parcourt le pays, un fusil à la main, pour se venger de l’assassin.

Elle le retrouve dès le début du manga. Bien sûr elle ne va pas pouvoir le supprimer. Son parcours initiatique peut commencer. Sa cible, Hank, lui propose de le suivre pour qu’elle voit de ses yeux ce que font les Divins Mimétiques et pourquoi il doit les supprimer. Ce n’est pas un chasseur de primes qui prend plaisir à supprimer les anciens soldats. Il s’agit de leur commandant qui, pour honorer une promesse, doit les éliminer, leur apporter la paix intérieure qu’ils ne parviennent pas à trouver. Nancy se retrouve de l’autre côté du miroir et va pour un temps indéfini, différer son projet de vengeance et faire route avec l’assassin de son père, à l’instar d’une certaine Lin.

Les voilà partis pour un voyage mouvementé, qui connaîtra un premier rebondissement d’importance dès la fin du volume 2 – de quoi transformer l’intrigue et les rôles occupés par les personnages principaux. Les dix chapitres peuvent se lire comme une première partie (ou une introduction) qui instaure les fondations de l’édifice pour mieux le faire vaciller. Une recette simple et efficace justifiant un peu plus encore le choix de faire paraître simultanément les deux premiers volumes de la série.

Un tir à vue
Love Shoot at first sight!

Mourir en héros ou vivre comme un monstre ?

Les anciens camarades rencontrés par Hank renvoient à des figures qui empruntent à différents univers : Béhémoth, gargouille, minotaure, sirène, arachnide… les divins proposent un bestiaire varié qui pourrait trouver sa place dans des séries comme Berserk ou The Arms Peddler. Chacun symbolise une envie propre qui se révèle être destructrice d’une manière ou d’une autre pour les personnes gravitant autour. Ainsi le minotaure cherche-t-il à construire une forteresse pour se protéger des menaces extérieures mais elle devient prison en retenant ses idées et peurs. S’ils représentent un danger, les divins sont seuls ; ils ont été abandonnés, laissés pour compte : aucune recherche n’a été menée pour essayer de les rendre « comme avant ».

Pour autant, ces êtres modifiés et isolés sont aussi une source de convoitises : Kane, ancien camarade de Hank, manœuvre quelques sombres projets pour leur offrir un avenir. Leur perte d’humanité, la rancœur accumulée sert ses idées. Kane-Hank : deux projets qui s’affrontent pour une opposition qui se joue aussi dans la forme qu’ils peuvent prendre (vampire contre loup-garou), leur allure et couleur de leurs habits (sombre pour Kane, claire pour Hank). Le lecteur a ainsi le soin d’apprécier les deux voies proposées et de choisir son champion en même temps que Charlotte prend conscience de tout ceci.

Victime collatérale de tout ceci, la population de To the Abandoned Sacred Beasts ne vit pas dans l’opulence. Qu’ils vivent dans un environnement urbain ou à la campagne, les personnages souffrent et la question de la subsistance se rencontre à plusieurs reprises. La guerre n’est plus mais les signes d’une quelconque victoire sont bien difficiles à trouver. D’où un manga où la division est multiple : « raciale » entre divins et humains, sociale entre les riches et les autres, etc. Mettre de l’ordre dans tout ceci ne sera pas une mince affaire…

Sprig
Spriggan, un divin croisé par Hank et Charlotte

Un bon divin est un divin… mort ?

On déduit de ce qui précède que les thématiques abordées ne sont pas sans faire écho à l’actualité proche ou éloignée. Dans une société encore marquée par la guerre il est difficile pour chacun de trouver sa place. Certains ont fait des sacrifices pour le bien commun. Ils n’en sont pas récompensés pour autant tant l’équivalence différent <=> dangereux se vérifie pour les anciens soldats divins qui ont été victimes de rejet avant de sombrer. La paix semble bien factice et fragile. Les étincelles du conflit sont là. Charlotte aussi sacrifiera-t-elle sa vie sur l’autel de la vengeance ? Ou bien en voyant Hank, Kane et les autres son regard changera et elle permettra d’esquisser une autre voie ? La question reste ouverte.

Du point de vue esthétique, la série emprunte au XIXe siècle notamment pour les habits, les armes, l’architecture. Si le conflit originel entre Nord et Sud évoque la Guerre de Sécession états-unienne, les passages de Whitechurch (volume 2) convoquent l’idée d’une ville anglaise (Londres ?) par ses quartiers, sa vapeur… Graphiquement certaines irrégularités se repèrent ponctuellement dans les visages des personnages se repèrent, quand ils sont dessinés de 3/4 de profil, en contre-plongée… Certains divins ont une allure et un rendu qui ne sont pas très éloignés des réalisations d’un auteur comme Shonen par exemple.

Pour l’édition française, outre la traduction claire et fluide de Thibaud Desbief ainsi qu’un travail d’impression qui rend bien la netteté du graphisme, on peut apprécier la conservation en fin de tome d’une mini-encyclopédie qui contient des informations sur les divins rencontrés, sur les lieux fréquentés, sur tel objet… autant d’informations qui fournissent un éclairage bienvenu sur différents éléments de l’intrigue que le récit n’a pas développé. Ce qui permet à ce dernier d’avancer sans avoir à se perdre dans tel ou tel développement spécifique et donc de conserver un bon rythme.

Kane
Le souffle du chaos : Hurry Kane!

Sacrifices et réparations

To the Abandoned Sacred Beasts propose une intrigue où les « monstres » ont été produits par la société qui souhaite désormais leur élimination. Le manga explore ainsi les suites d’un conflit pour mieux souligner tout ce qui va de travers. Remettre de l’ordre est une nécessité mais les voies explorées qui se dessinent sont foncièrement imparfaites. Une troisième voie est-elle possible ? Peut-on faire coexister des individus différents sur bien des points sans sombrer dans le chaos ou l’élimination de l’autre ? Une question de philosophie politique centrale qui traverse deux premiers volumes prometteurs.

 

Copyritght to the abandoned sacred beasts

Publié par

Anvil

Lecteur de manga, manhua, manhwa... visionneur d'animés, films... et de plein d'autres "trucs" car ma curiosité n'a (presque) pas de limites. Je suis touche-à-tout sans être bon à rien. Les avis présents ici n'ont, par conséquent, aucune prétention si ce n'est celle d'offrir un point de vue sur une œuvre qui m'a interpellé. Vous pouvez me retrouver sur Twitter : @Anvil_G ; sur Sens Critique : Anvil et ailleurs... See you Space Cowboy!

3 réflexions au sujet de “To the Abandoned Sacred Beasts, vol.1-2 – Lord of the Beasts”

  1. ça donne envie de découvrir le titre 🙂 Je le testerai sûrement lorsque j’en aurai la possibilité (et les sous… J’ai été un peu radicale ce mois-ci *tousse*), mais le manga à l’air d’avoir de bonnes thématiques et de tenir la route ^^

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    1. Merci pour tes mots ! Être raisonnable avec les mangas n’est pas toujours évident… mais la radicalité ça a du bon parfois 🙂 En tout cas j’espère que la série te plaira !

      J’ai vu que tu avais attaqué Fuka ^^ Je n’ai pas eu le temps de lire ce qui suit le tome 1 mais il m’avait laissé une bonne impression !

      Aimé par 1 personne

      1. De rien 🙂 Ah ça c’est certain… Il y a trop de titres intéressants TwT Je te tiendrai au courant lorsque je la débuterai ^^

        Ouip ! J’avais trouvé le tome 1 à la Retro MIA alors j’ai profité 🙂 Le tome 1 est vraiment bien sympathique, je tenterai (quand mon porte-monnaie se sera remplumé ^^ ») de me prendre la suite et d’en parler sur le blog 🙂

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